Des précisions sur l'exil en 1915 et le retour en 1919

La mairie d'Isera ayant eu l'obligeance de m'envoyer les scans de la revue locale dans laquelle Claudio Turella en 1980 avait compilé les souvenirs encore frais des témoins de l'exil forcé en 1915 ou leurs journaux de voyage. Il s'agit de 2 numéros de la revue locale semestrielle "les quatre vicariats et leurs voisins" de n°48 décembre 1980 et n° 49 de juin 1981 sans doute.
La première revue est souvent citée en référence dans les articles du jeune historien Francesco Frizzera mais il était impossible de trouver ce document sur le web.

Je l'ai traduit, illustré, et diffusé aux membres du groupe mais ce document plein de compilations est un peu laborieux et donc pénible à lire.




Cependant en lisant ces 2 articles on peut faire 3 hypothèses : en mai 1915

• le père de Tribus était un peu excité par l'irrédentisme (regrouper avec l'Italie les zones où l'on parle italien : le Trentin, l'Istrie, la Dalmatie). Politiquement mal vus par les gendarmes autrichiens, tous ces gens politiquement dangereux ont été internés au camp de Katzenau, proche du Danube, 3 jours avant la déclaration de guerre de l'Italie à l'Autriche-Hongrie. ce camp plein d'intellectuels et d'artistes peut fournir à Tribus l'occasion à 14 ans de s'initier à l'art. Quand l'empereur décède, le jeune empereur amnistie tous ces prisonniers et on déporte un peu plus haut à Hohenbrun les plus "dangereux", les artistes (comme le frère de James Joyce) sont exfiltrés par la Suisse  et sans soute les Trentins restent sur le campd'internement devenu camp de baraquements car on ne saurait où les mettre ailleurs.
  
  
  
  
• la famille Tribus est exilée avec le village 3 jours après la déclaration de guerre de  l'Italie à l'Autriche-Hongrie mais le grand-père et le père connaissent des marchands de vin à Vienne chez qui être hébergés et descendent à Salzbourg pour se rendre à Vienne où coule le Danube!
  
  
• la famille Tribus reste solidaire du village et leur train finit par arriver dans le district de Nachod en Bohême (Tchéquie) en particulier la ville de Broumov appelée en allemand Braunau in Bohmen (Braunau en Bohême) ce qui prête à confusion avec Braunau am Inn (Haute-Autriche) où sera construit un des deux fameux camp de baraquements, mais seulement en septembre 1915, pour les exilés qui habitent un peu plus loin de la ligne de front et qui seront déportés 4 mois plus tard.
  

Si les Tribus ont décidé d'aller travailler chez les autres ils ont pu être rapatriés temporairement comme main d'Oeuvre à la demande en étant logé dans les camps de baraquements de Braunau et Mitterndorf où l'on vient chercher ceux dont on a besoin à la condition qu'ils soient aptes au travail, mais un viticulteur propriétaire irait-il travailler chez les autres, abandonnerait-il ses parents âgés ou ses jeunes enfants?

S'ils sont restés chez l'habitant en Bohême, leur rapatriement ne sera pas effectué tout de suite, le 11 novembre 1918, parce que leur village étant sur la ligne de front il est absolument inhabitable : il faut déminer, reconstruire, etc. Ce n'est donc qu'en plein hiver 1919, que le génie italien va construire des baraquements pour les accueillir, envoyer des poêles de tranchée pour chauffer les wagons à bestiaux et demander de la troupe austro-hongroise pour protéger les futurs ressortissants italiens des populations qui veulent les rançonner au retour. Le train peut faire une longue étape à Linz, sur le Danube, mais ce n'est pas un souvenir hivernal du Danube que Tribus a peint plus tard en 1959.

Ceci est décrit dans le document de Francesco Frizerra 2005 "Il rimpatrio dei profughi trentini dalle regioni interne dell’Austria-Ungheria. Un processo pluriennale, specchio delle difficoltà economiche di un Impero" que j'ai traduit et illustré et diffusé au groupe.
Téléchargeable ici : https://www.academia.edu/18214561/F_Frizzera_Il_rimpatrio_dei_profughi_trentini_dalle_regioni_interne_dell_Austria_Ungheria_Un_processo_pluriennale_specchio_delle_difficolt%C3%A0_economiche_di_un_Impero

Ensuite Tribus devient italien par le traité du 10 septembre 1919, il a 18 ans et peut sans doute aller s'inscrire aux Beaux Arts de Venise puisqu'il déclare être entré en France en 1922 (il vient d'avoir 21 ans ce qui lui permet de voyager) et il vient d'obtenir le prix de peinture qu'il a déclaré à 2 témoins avoir obtenu.
Pendant ce temps son père est-il vivant et renonce-t-il à déminer et replanter ses vignes pour émigrer lui aussi dès 1919 pour reprendre une exploitation viticole au sud-ouest de la France où ses autres enfants l'accompagneront comme la France en faisait la publicité dans les villages voisins du Frioul en 1919?

Plus tard un témoin dira que notre Tribus avait obtenu un diplôme de la Sorbonne, sans doute sur l'Histoire de l'Art, peut-être lui permettant de s'installer comme décorateur à Paris.

Fin 1922 Mussolini marche sur Rome et interdit l'émigration en 1927. Mais Tribus a quitté avant cela le Royaume d'Italie devenu fasciste pour la France républicaine et en particulier Paris où résident de nombreux étrangers.